Vacances et répit des aidants : comment les entreprises peuvent-elles agir ?

par | Oct 8, 2025 | Ressources | 0 commentaires

Introduction

Le mois d’octobre est devenu, en France, un moment clé du prendre soin. Le 6 octobre, la Journée nationale des aidants rend hommage aux millions de personnes accompagnant un proche fragilisé. Parallèlement, l’initiative Octobre Rose mobilise l’ensemble de la société autour de la lutte contre le cancer du sein.
Ces deux dynamiques rappellent une réalité encore méconnue en entreprise : face à la maladie, au handicap, au vieillissement ou à la perte d’autonomie, le soin dépasse largement le cadre médical. Il engage des dimensions émotionnelles, sociales, relationnelles… et impacte fortement la vie professionnelle.

Aujourd’hui, de nombreux salariés vivent une « double journée » : le travail rémunéré et le soutien invisible à un proche dépendant. D’autres, après un traitement ou une convalescence, cherchent à retrouver leur place dans le collectif. Pour tous, une question centrale : comment préserver la santé, la motivation et l’équilibre personnel lorsque la charge de soin devient permanente ?

1. Le besoin vital de répit : une question de santé et de dignité

On estime à 11 millions le nombre d’aidants en France (Fondation France Répit, 2024), dont près de la moitié exercent une activité professionnelle. Les conséquences sur la santé sont massives : fatigue chronique, troubles du sommeil, isolement, baisse de moral, voire dépression. Un constat similaire concerne les personnes en rémission ou atteintes d’une maladie chronique.

Dans ce contexte, les vacances, les pauses prolongées et les temps de repos deviennent une véritable dimension de la santé. Les recherches en psychologie du travail montrent qu’un temps de répit améliore la régulation du stress, réduit les risques de burn-out et restaure l’équilibre corps–esprit (Kühnel et al., Journal of Occupational Health Psychology, 2022).

Mais le répit a aussi une portée symbolique : il rappelle que la personne aidante n’existe pas uniquement à travers la charge du soin. Lui permettre de souffler, c’est reconnaître sa dignité, son droit à l’autonomie et sa place dans la vie sociale et professionnelle.

Des témoignages qui alertent sur l’épuisement silencieux

Les échanges recueillis auprès du Collectif Handicap ! en 2025 illustrent des obstacles récurrents : logistique écrasante, manque de lieux adaptés, coût élevé, absence de soutien. Une mère accompagnant seule un enfant en situation de handicap raconte :

« Les vacances, c’est du ressourcement… mais seulement si mes parents sont là. Sinon, c’est impossible : rien n’est adapté. »

Ou encore :

« Quand j’ai informé mon employeur de ma situation, cela a été le début de la fin : j’étais perçue comme un problème à gérer. »

Ces témoignages rappellent que l’accès au répit doit être pensé comme une politique de santé publique et de justice sociale, incluant pleinement le monde du travail.

2. Vacances inclusives ( et non vacances « adaptées » ! ) : des initiatives qui changent la donne

Face à cette urgence, plusieurs dispositifs soutiennent désormais l’accès aux vacances des aidants et des personnes fragilisées :

  • Vacances Répit Familles (ANCV/CNSA), permettant à des binômes aidant–aidé de partir ensemble dans des structures adaptées.
  • Vacances Ouvertes, France Répit, La Ligue contre le cancer : séjours thématiques, convalescence, accompagnement médico-social léger, coût modéré.
  • Développement d’un tourisme social et inclusif, qui intègre les besoins spécifiques liés au handicap, à la maladie ou à l’épuisement.

Des freins persistent et limitent l’accès effectif au répit

Les familles témoignent de difficultés encore très présentes :

  • Manque de structures réellement adaptées.
  • Coût plus élevé des hébergements accessibles.
  • Charge mentale liée à l’organisation.
  • Besoin d’outils innovants : échanges de maisons entre familles, mutualisation de matériel, plateformes de coordination.
  • Manque d’un « tiers facilitateur » pour accompagner avant, pendant et après le séjour.

Ces obstacles montrent que le droit aux vacances des aidants n’est pas une question individuelle, mais un enjeu d’écosystème, nécessitant la mobilisation d’acteurs publics, associatifs… et des entreprises.

3. Les entreprises ont aussi un rôle à jouer

Les entreprises emploient une part importante d’aidants : 22 % des salariés selon le baromètre Malakoff Humanis (2023), dont 59 % estiment que leur employeur ignore leur situation. Ce décalage génère épuisement, absentéisme, baisse d’engagement, voire arrêts longs.

Dans une stratégie QVCT et RSE, soutenir le répit devient un levier majeur pour :

  • améliorer la santé et la motivation,
  • réduire les risques psychosociaux,
  • renforcer l’attractivité employeur,
  • fidéliser les talents.

Les leviers concrets à intégrer dans les politiques RH

Les organisations peuvent agir à plusieurs niveaux :

  • Identifier les salariés aidants via des enquêtes internes, cellules d’écoute, formations des managers.
  • Adapter le temps de travail : télétravail occasionnel, horaires aménagés, congés dédiés.
  • Garantir la déconnexion, notamment lors des vacances et jours de repos.
  • Co-financer des séjours de répit, en partenariat avec des associations ou via le CSE.
  • Faciliter l’accès à l’information : guides internes, référents aidants, webinaires.

Le don de jours de congés : un levier à valoriser et à élargir

La loi Mathys permet le don de congés à un collègue confronté à la maladie grave d’un proche. Le dispositif pourrait être élargi pour financer :

  • des séjours de répit,
  • des vacances adaptées,
  • des temps de ressourcement après une période de soin intense.

Intégré dans les accords QVCT ou les chartes RSE, ce mécanisme deviendrait un outil stratégique de solidarité durable, renforçant cohésion, engagement et performance collective.

Conclusion : Faire du repos un droit partagé et un enjeu stratégique RH

Reconnaître le répit comme une dimension de la santé et de la cohésion sociale, c’est sortir du modèle où les vacances relèvent du privilège individuel. C’est comprendre qu’elles constituent un levier de résilience collective, de prévention de l’épuisement et d’attractivité pour les organisations.

La culture du soin n’est pas opposée à la performance : elle en est la condition.
Soutenir les aidants, les malades ou les salariés fragilisés, c’est :

  • prévenir les risques psychosociaux,
  • renforcer la qualité de vie au travail,
  • fidéliser les équipes,
  • bâtir une performance durable fondée sur l’équité et le soin partagé.

C’est dans cet esprit qu’Objectif Vacances accompagne les organisations pour intégrer le droit au répit dans leurs pratiques RH et QVCT — et pour faire des vacances un véritable outil de santé et de justice sociale.

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