Vacances responsables : un enjeu stratégique pour les CSE et la RSE

par | Mai 16, 2025 | Ressources | 0 commentaires

Introduction

Le mois de mai marque l’arrivée des beaux jours, et avec eux, la promesse des vacances d’été. Ce moment de l’année, attendu avec impatience, suscite chez beaucoup l’envie de s’évader, de se ressourcer, de couper avec le quotidien. Le choix de la destination devient alors un sujet de réjouissance, mais il s’accompagne aujourd’hui d’un questionnement de plus en plus présent : comment partir sans nuire à ce qui nous entoure ? Car les vacances, si elles sont bénéfiques pour chacun, ne sont pas neutres pour la planète ni pour les territoires qui les accueillent.

À l’heure où les enjeux environnementaux, climatiques et sociaux deviennent cruciaux, le tourisme interroge : faut-il continuer à céder aux sirènes du tourisme de masse, avec ses destinations standardisées et ses impacts souvent délétères, ou bien repenser nos pratiques pour aller vers des vacances plus durables, plus locales, plus respectueuses des équilibres ? Cette question dépasse la sphère individuelle : elle concerne aussi les acteurs collectifs, et notamment les entreprises, qui à travers leurs Comités Sociaux et Économiques (CSE), peuvent orienter les pratiques de départ et contribuer à faire évoluer les modèles.

Dans cette perspective, cet article propose d’analyser deux conceptions opposées du tourisme – le tourisme de masse et le tourisme durable – afin de mieux comprendre leurs impacts respectifs. Il mettra également en lumière les bénéfices concrets des vacances durables, pour les individus comme pour les territoires, et montrera comment les CSE, en intégrant des offres responsables dans leurs catalogues, peuvent devenir des leviers puissants de la démarche RSE de l’entreprise.

1. Le tourisme de masse : un modèle en crise

Le tourisme de masse s’est imposé comme le modèle dominant des vacances depuis les années 1970, porté par la démocratisation du transport aérien, le développement des offres à bas coût et la standardisation des infrastructures d’accueil. Si cette évolution a permis à un nombre croissant de personnes d’accéder aux loisirs et à la mobilité internationale, elle s’est également accompagnée de lourdes conséquences sur les plans environnemental, social et territorial.

Sur le plan écologique, le tourisme de masse est l’un des principaux contributeurs à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. L’aviation commerciale en particulier représente une source majeure de pollution : un aller-retour Paris–New York émet environ une tonne de CO₂ par passager, soit l’équivalent de ce qu’une voiture moyenne émet en un an. À cette empreinte carbone s’ajoutent la pollution sonore, perceptible autour des aéroports, et la dégradation de la qualité de l’air dans les grandes zones touristiques urbaines et côtières.

Les effets de cette pression touristique se traduisent concrètement sur les territoires. Les paysages sont altérés par une urbanisation galopante : constructions massives de complexes hôteliers, lotissements touristiques et résidences secondaires qui fragmentent les milieux naturels, en particulier dans les zones littorales et montagnardes. L’accumulation de structures standardisées entraîne une banalisation visuelle des territoires, avec une prolifération de parkings, d’enseignes commerciales et d’infrastructures sans harmonie avec l’environnement local. À cela s’ajoute une surexploitation des ressources, notamment en eau et en énergie, pour répondre aux besoins d’équipements tels que les piscines, les spas ou les golfs, souvent implantés dans des zones déjà vulnérables sur le plan hydrique. Enfin, ces aménagements contribuent à la disparition d’habitats naturels, perturbent les cycles biologiques et accélèrent l’érosion de la biodiversité locale.

Ces dérives sont aujourd’hui manifestes dans de nombreuses destinations emblématiques. Sur la Côte d’Azur, l’urbanisation incontrôlée a grignoté les espaces naturels en front de mer, tandis que la surfréquentation entraîne des embouteillages permanents et une pollution accrue des plages. Dans les îles grecques comme Santorin, la concentration de paquebots de croisière dans les petits ports insulaires provoque une pollution maritime importante, accentuée par une gestion souvent déficiente des déchets et des eaux usées. Les autorités locales ont d’ailleurs été contraintes de limiter les accès à certains sites pour préserver leur intégrité, comme c’est le cas dans les Calanques de Marseille, où un système de réservation a été mis en place en haute saison.

Ce modèle de développement illustre un cercle vicieux bien connu : l’attractivité d’un site entraîne une affluence massive, qui dégrade l’environnement et pousse à construire toujours plus pour absorber les flux, au détriment des équilibres naturels et des habitants. À terme, ce processus conduit à une perte d’authenticité et à une insatisfaction croissante des visiteurs eux-mêmes, confrontés à des lieux saturés, dénaturés et standardisés.

2. Vacances durables et locales : un levier d’impact positif

Face aux impasses du tourisme de masse, un autre modèle émerge : celui d’un tourisme durable et local, pensé comme une alternative à la fois responsable, accessible et profondément ancrée dans les territoires. Contrairement à une idée reçue, il n’est pas nécessaire de parcourir des milliers de kilomètres pour profiter des bienfaits des vacances. Le simple fait de changer de rythme, de s’extraire du quotidien, de découvrir de nouveaux environnements – fussent-ils proches – suffit à produire des effets bénéfiques, tant sur le plan physique que psychique.

Les études en santé publique confirment que les congés, même de courte durée, améliorent le bien-être général, réduisent le stress, favorisent la récupération mentale et la qualité du sommeil, tout en renforçant les liens sociaux. En ce sens, un week-end dans une vallée voisine ou un séjour à quelques heures de chez soi peut être tout aussi régénérant qu’un voyage à l’autre bout du monde, à condition d’être vécu comme une réelle parenthèse.

Mais au-delà de cette dimension individuelle, le tourisme durable et local s’inscrit dans une logique plus globale. Il s’agit de repenser la manière dont nous voyageons, pour minimiser notre empreinte écologique tout en valorisant les ressources locales. Cela implique, à l’échelle individuelle, des choix de mobilité douce (train, vélo, covoiturage), une attention portée à l’impact de ses consommations, le respect des lieux visités et une préférence pour les circuits courts. Séjourner dans un écolodge, participer à une randonnée encadrée par un guide du cru ou déguster des produits d’une ferme voisine relèvent de pratiques qui combinent plaisir et responsabilité.

Du côté des territoires, le tourisme durable suppose une gestion raisonnée de la fréquentation, un soutien actif à l’économie locale et une préservation du patrimoine naturel et culturel. Il s’appuie sur des initiatives locales qui créent de l’emploi non délocalisable, renforcent la fierté d’appartenance et diversifient l’offre sans dénaturer le cadre de vie. Par exemple, en milieu montagnard, certains villages développent des formes d’accueil participatif, favorisant la rencontre entre habitants et visiteurs, tout en promouvant un tourisme quatre saisons qui réduit la pression estivale.

En choisissant ce type de séjour, les vacanciers deviennent aussi des contributeurs directs au développement économique des territoires. Chaque nuitée dans un hébergement local, chaque repas pris dans un restaurant de village, chaque achat sur un marché de producteurs ou chez un artisan participe au maintien d’activités économiques ancrées, durables et non délocalisables. Le tourisme devient alors un levier de cohésion sociale et de vitalité rurale, loin des logiques d’extraction rapide de valeur que l’on retrouve dans le tourisme de masse.

Par ailleurs, les gestes individuels ne sont pas anecdotiques. Trier ses déchets, respecter les sentiers, limiter sa consommation d’eau ou choisir un hébergement qui utilise des énergies renouvelables : autant d’actes simples mais significatifs qui, multipliés par des milliers de visiteurs, ont un impact réel sur la durabilité des territoires. Adopter une posture responsable, c’est reconnaître que chaque comportement compte et que l’expérience touristique peut s’inscrire dans une éthique du respect, du partage et de la préservation.

Ce modèle n’est pas un renoncement à l’évasion, mais une invitation à voyager autrement : plus près, plus lentement, plus consciemment. En replaçant le sens et la relation au cœur de l’expérience touristique, il ouvre la voie à un tourisme qui conjugue plaisir, sobriété et responsabilité.

3.Les CSE : leviers d’un tourisme durable au service de la RSE

Si la responsabilité individuelle est essentielle dans la transition vers un tourisme plus durable, elle ne saurait suffire. Les organisations, et en particulier les entreprises, ont un rôle structurant à jouer. À ce titre, les Comités Sociaux et Économiques (CSE) occupent une position stratégique. Parce qu’ils organisent, financent et orientent une large part des départs en vacances de millions de salariés, leur influence sur les pratiques touristiques est considérable. En France, une part significative du tourisme social et familial passe par leurs catalogues de prestations : séjours collectifs, colonies de vacances, week-ends, billetterie, voyages organisés…

Or, les choix effectués par les CSE ne sont pas neutres. En optant pour des offres responsables, en favorisant les circuits courts, les destinations de proximité, les hébergements écoresponsables ou les mobilités douces, ils peuvent contribuer activement à la transformation du secteur touristique. Mais leur rôle dépasse celui de simples prescripteurs : les CSE peuvent devenir des acteurs à part entière de la stratégie RSE de l’entreprise.

En intégrant la durabilité dans leurs actions sociales et culturelles, les CSE participent à la réalisation des objectifs extra-financiers que se fixent les entreprises. Ils permettent de faire converger qualité de vie au travail, bien-être des salariés et engagement environnemental. En d’autres termes, ils incarnent une passerelle entre la politique sociale de l’entreprise et sa responsabilité environnementale, contribuant ainsi à ancrer une culture partagée autour des enjeux de transition.

Ce positionnement peut être valorisé par l’entreprise de plusieurs manières dans le cadre de sa stratégie RSE. Elle peut intégrer les actions de son CSE dans ses rapports extra-financiers, mettre en avant les partenariats développés autour du tourisme durable, et démontrer comment ces choix contribuent à réduire son empreinte carbone indirecte (scope 3). Elle peut aussi souligner la cohérence de sa politique interne : un CSE engagé dans la durabilité vient renforcer la crédibilité d’une entreprise qui affiche des engagements responsables. Enfin, cette implication conjointe peut être un levier fort pour renforcer l’attractivité employeur, en montrant que les vacances proposées aux salariés sont aussi des temps de reconnexion et de sens.

Certains acteurs spécialisés accompagnent aujourd’hui les CSE dans cette transition vers des pratiques plus durables. C’est le cas de Represente.org, une start-up innovante qui aide les comités d’entreprise à concevoir des séjours écoresponsables, des activités de proximité et des événements valorisant l’économie locale. Ce type d’initiative répond à une double exigence : offrir aux salariés des expériences enrichissantes, tout en alignant les politiques sociales des entreprises sur leurs engagements en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).

À travers des projets co-construits, les CSE peuvent ainsi favoriser des vacances accessibles, solidaires et respectueuses de l’environnement, tout en renforçant la cohésion sociale et la fierté d’appartenance. En agissant sur ce levier, ils deviennent de véritables catalyseurs d’une culture d’entreprise alignée avec les enjeux écologiques et sociaux de notre temps.

Conclusion

Les vacances sont un droit. Mais comme tout droit, elles impliquent des responsabilités : envers les territoires que l’on visite, envers les ressources que l’on mobilise, et envers les générations futures qui devront encore pouvoir s’émerveiller de paysages préservés et de cultures vivantes. Le tourisme ne peut plus être envisagé comme un simple produit de consommation ; il doit être pensé comme un levier d’émancipation, de lien social et de transformation durable.

C’est dans cette perspective que le droit aux vacances doit devenir un droit responsable. Il ne s’agit pas de restreindre les départs, mais de les repenser : choisir la proximité plutôt que l’exotisme standardisé, privilégier les mobilités douces, soutenir les économies locales, ou encore adopter des gestes simples comme le tri des déchets ou la réduction de sa consommation d’eau. Ces choix individuels, lorsqu’ils sont partagés et encouragés collectivement, deviennent des leviers puissants de changement.

Pour accompagner cette prise de conscience, je consacre le cinquième module de mon parcours Objectif Vacances à un outil pédagogique engagé : la Fresque des Vacances Durables et Locales. Cet atelier collaboratif, basé sur un jeu de cartes structuré en quatre phases, permet aux participants – salariés, élus de CSE, dirigeants – de mieux comprendre les impacts du tourisme de masse, d’identifier les pratiques vertueuses, et surtout, de construire ensemble des pistes d’action concrètes.

La fresque met en lumière ces leviers : promouvoir les mobilités alternatives, encourager les hébergements responsables, soutenir l’économie de proximité, réduire les déchets, ou encore sensibiliser les voyageurs à l’impact de leurs choix. À travers ce module, il ne s’agit pas seulement de débattre, mais de s’outiller pour faire des vacances un moteur de transformation sociale, environnementale et collective.

Les vacances doivent rester un moment de joie, de détente et de découverte. Mais elles peuvent aussi devenir un acte engagé. C’est ce que défend Objectif Vacances, à travers cet accompagnement : faire du droit aux vacances un droit pleinement inscrit dans les enjeux de notre temps.

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